On parle de temps à autre d'albums maudits pour des disques, soit mal perçus par le public ou les médias, soit non publiés pour diverses raisons. "Carnival Of Souls", 17ème disque studio de Kiss est clairement un disque qui mérite le plus ce qualificatif. Entamé à la fin de l'année 1995 après un "Revenge" de grande qualité, à la fois plus sombre et plus heavy, le disque était pratiquement terminé quand au printemps 1996 il subit un coup d'arrêt fatal. En effet Gene Simmons et Paul Stanley, suite au succès du concert M.T.V. Unplugged où ils avaient retrouvés leurs anciens compères Peter Criss et Ace Frehley, vont mettre de côté ce disque pour relancer Kiss dans sa version originelle. Ce faisant, ils répondent à une forte et ancienne attente des fans et sacrifient sans trop d'état d'âme tout le travail déjà commencé.
"Carnival Of Souls" ne verra finalement le jour que fin 1997 pour court-circuiter les versions pirates et rentabiliser les frais d'enregistrements. Et malgré une absence totale de promotion, une pochette épurée au possible et un désintérêt quasi total des fans et des médias, ce disque ne mérite pas d'être oublié. Suivant la lignée de "Revenge", on y retrouve un Kiss sombre, heavy, et désabusé, se plaçant dans la mouvance Grunge qui connaissait alors son apogée. Et même s'il est un cran en deçà de "Revenge", c'est essentiellement dû au fait qu'il soit inachevé, ce qui le dessert en partie. "Carnival Of Souls" est un bon cru des Américains, montrant un visage différent mais sincère et humain. De plus, pouvoir l'entendre rend hommage au travail effectué par Eric Singer et Bruce Kulick, les dindons de la farce de la reformation de Kiss.
Il ressort donc de bonnes choses de cette heure de musique en douze titres. Le fun et l'esprit purement rock'n'roll de Kiss sont certes loin, mais cela se fait au profit d'un rock mature, énervé et assez crade, souvent dans l'esprit d'un Soundgarden. Comme à l'accoutumé, Stanley et Simmons se partagent le chant et chacun propose son lot de bons titres. Ainsi, parmi les titres chantés par Paul Stanley qui sont les plus sombres, "Rain", "Master & Slave", "Jungle", et surtout "I Will Be There", se détachent fortement. Les trois premières sont de bons titres de heavy-rock, tandis que la dernière est une superbe ballade acoustique mettant brillamment Stanley en évidence.
Simmons s'en sort aussi avec les honneurs avec un très grunge "Childhood's End" et "Seduction Of The Innocent", bon titre de heavy-rock classique bien marqué par les années 90. Certes tout n'est pas parfait et certains titres auraient mérités d'être plus travaillés alors que parfois, il y a des ressemblances ici et là entre certaines parties, preuve d'un travail en partie inachevé.
La plupart des fans de Kiss ne compteront sans doute pas ce disque atypique dans la discographie du groupe, mais "Carnival Of Souls" reste un album sincère, attachant et rempli d'une certaine âme. En cela, malgré son côté à part, il mérite l'écoute et le respect, d'autant que cette belle âme semble bien devoir définitivement disparaitre avec la reformation.