"Free As A Bird" semblait avoir sonné le glas pour Supertramp, et le groupe désormais mené par Rick Davies avait disparu des écrans radars sans laisser ni nouvelle ni avis de séparation. Et puis voilà que 10 ans plus tard surgit ce "Some Things Never Change" que plus personne n’attendait, né de la volonté de Davies de relancer la légende, entouré des fidèles John Helliwell et Bob Siebenberg, de Mark Hart, déjà présent sur "Free As A Bird" et libre après la séparation de Crowded House, ainsi que d’une brochette de pointures réputées. La légende veut même que Roger Hodgson ait commencé à travailler avec Davies et que le titre "You Win, I Lose" soit le résultat de ces retrouvailles qui tournèrent court en raison de trop gros différents entre les deux fortes personnalités. Fantasme ou réalité ? Même s’il est vrai que ce titre rappelle de nombreuses collaborations à succès du duo ("Breakfast In America", "It’s Raining Again"…), l’information ne fut jamais confirmée par les membres du groupe et le titre resta crédité au seul Rick Davies.
L’absence de Roger Hodgson doit-elle pour autant faire craindre un album sans intérêt ? Bien au contraire car Davies semble avoir retrouvé toute son inspiration et sa motivation avec 12 titres pour plus de 70 minutes. Au menu : ce mélange unique de pop, de rock, de jazz, de funk, de blues et de progressif qui fit les grandes heures de Supertramp, et une interprétation de très haut niveau. Le toucher de Rick Davies est unique, John Helliwell n’a pas son pareil pour transmettre des émotions au travers de ses saxophones, et le reste de la bande s’entend comme larrons en foire pour permettre quelques jams instrumentales orgasmiques. Seule la voix de Mark Hart manque de souffle, mais le partage du chant avec Davies sur l’entrainant et jazzy "Listen To Me Please", ou le refrain accrocheur et le final de "Sooner Or Later" relègue au second plan ce point faible qui, finalement, n’handicape réellement que le seul "Give Me A Chance".
Car le patron ici, c’est bien un Rick Davies nous promenant au travers de l’univers dont il est le principal créateur depuis tant d’années au sein de Supertramp. Désabusé et cynique sur l’atmosphérique bien que groovy "It’s A Hard World" étalant ses ambiances sur plus de 9 minutes, il sait se faire émouvant sur des ballades classes ("Live To Love You") ou délicates ("And The Light"), percutant sur un "C’est What ? " à la fois rock et progressif de plus de 8 minutes, et se transforme volontiers en prêcheur sur le bluesy "Help Me Down That Road" aux accents gospels, ou sur le final "Where There’s A Will", sermon et leçon de vie à la fois désabusée et lumineuse.
Même si les intégristes de la période Hodgson ne partageront pas cet avis, "Some Things Never Change" est une formidable surprise et une résurrection inattendue pour un des meilleurs albums de Supertramp. Chaque écoute révèle de nouvelles qualités à cet opus et le rend toujours plus attachant. Certaines choses ne changent jamais, et le talent de Rick Davies et sa faculté de surprendre son auditoire, en bien ou en mal, à chaque album en font parties. A découvrir sans apriori et à déguster sans modération !